Immigration & football, une histoire croisée
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Découvrez cette analyse traitant des liens entre football et immigration Un sujet porteur d’une réflexion qui a défini les contours de notre nation.

À l’occasion de la publication de son nouvel ouvrage Le football des immigrés, France-Algérie, l’histoire en partage (Artois Presses Université), l’historien Stanislas Frenkiel, enseignant-chercheur à l’UFR STAPS de l’Université d’Artois, actif en milieu carcéral via son association Nouveaux Regards Network retrace l’histoire croisée du football et de l’immigration en France…

L’histoire du football est étroitement liée à la mobilité humaine.

Devenus depuis les années 1980 deux champs de recherche historiographiques reconnus, le football et l’immigration tissent des liens, dont l’historien Yvan Gastaut présente l’intensité. En introduisant le premier numéro consacré au sport de la revue Migrance, il replace le sport comme vecteur de rencontre interculturelle et de mobilisation collective et nationale (1).

 

Selon lui, l’un des points communs entre les objets sport et immigration se trouve dans la fonction « miroir » qu’ils occupent, nourrissant l’imaginaire national. Enjeu réel au moment de la Guerre Froide, de la colonisation mais aussi de la décolonisation, le sport sert parfois les intérêts symboliques des pays fournisseurs de main-d’œuvre. C’est aussi un exutoire pour les minorités, notamment pour les migrants dans un pays d’accueil.

Immigration & football, une histoire croisée

L’Équipe de France joue un rôle de médiateur entre les communautés qui s’y identifient et la nation française.

L’histoire des sportifs immigrés est bien une composante de l’histoire contemporaine car elle donne des enseignements sur les mécanismes d’intégration et d’exclusion. Les liens entre football et immigration sont donc porteurs d’une réflexion sur les contours de la nation. Inévitablement, il répond à l’invitation lancée par le sociologue Stéphane Beaud et l’historien Gérard Noiriel (2). Ces deux chercheurs signalent des pistes de réflexion pour élaborer une histoire sociale qui s’intéresse à l’univers industriel produisant tant de joueurs d’élite issus de l’immigration, purs produits des nouvelles banlieues populaires. Ils définissent le concept protéiforme d’intégration comme les modalités d’insertion de l’individu dans tous les rouages de la société depuis le marché du travail jusqu’à des niveaux informels de la sociabilité de quartier en passant par toutes les organisations du monde politique. Il s’agit d’un processus social, économique, politique et culturel individuel et complexe supposant la durée.

L’Équipe de France de football, c’est l’histoire en raccourci d’un siècle d’immigration

Didier Braun – journaliste 

Bien plus que le cyclisme et la boxe connaissant pourtant la ferveur populaire et participant à la définition de l’identité nationale dans la première moitié du XXe siècle, le football constitue un baromètre des grands courants d’immigration en France. Il éclaire les évolutions de la société française dont vingt pour cent possède par ascendance maternelle ou paternelle une origine étrangère (3). En France, premier pays européen d’immigration, les sélections sous le maillot bleu de Raoul Diagne, Raymond Kopa, Michel Platini, Zinédine Zidane et Kylian Mbappé témoignent du cosmopolitisme du football.

 

Dès les années 1930, les clubs comptent trente pour cent de footballeurs étrangers, majoritairement originaires de l’Europe centrale et d’Amérique du Sud. Des joueurs autrichiens comme l’attaquant Gusti Jordan ou le gardien Rudi Hiden sont même naturalisés français et portent le maillot tricolore avant que les premiers « indigènes » comme le Marocain Larbi Ben Barek ne le revêtent, rappelle l’historien Paul Dietschy (4).

 

De 1944 à 1997, les étrangers représentent 2 280 joueurs et quinze pour cent des effectifs de l’élite nationale (5). Ancrées historiquement, les circulations de footballeurs sont le produit d’un ensemble complexe de liens entre certains territoires dont les racines sont d’ordre politiques, économiques, sociales et culturelles (6).

 

La dimension impériale est également centrale. Ainsi, les sportifs africains convergent de manière privilégiée vers leurs métropoles : ceux d’Afrique Occidentale Française et d’Afrique du Nord évoluent en France, reflétant la richesse des liens qui unit les arabes et les Français depuis des siècles. Ainsi, depuis la naissance du professionnalisme en 1932, plus de 500 footballeurs algériens jouent dans le Championnat de France.

 

Un vibrant hommage à tous les joueurs algériens qui ont l’honneur de fouler les terrains français et d’y briller

Ali Fergani, footballeur

Pour les passionnés, journalistes et chercheurs…

Le premier ouvrage sur l’histoire des footballeurs professionnels algériens en France.
Un index de 1 500 personnages du football ; 200 photographies et entretiens inédits.

 

« Ce livre propose des clés pour retrouver le passé, comprendre le présent et imaginer le futur ». Paul Dietschy, historien

 

Pour commander le livre

[1] Yvan Gastaut, « Histoire de l’immigration, histoire du sport, perspectives croisées », Migrance, n° 22, 2003, p. 5-9.

[2] Stéphane Beaud et Gérard Noiriel, « L’immigration dans le football », Vingtième Siècle, n° 26, 1990, p. 83-96.

[3] Pierre Milza, « Les mécanismes de l’intégration », Jean-Claude Ruano-Borbalan, L’Histoire aujourd’hui, Sciences Humaines, 2004, p. 119-123.

[4] Paul Dietschy, « Le ballon migrateur », Claude Boli, Yvan Gastaut et Fabrice Grognet, Allez la France, football et immigration, Paris, Gallimard, 2010, p. 25-28.

[5] Marc Barreaud, Élite sportive et immigration : les footballeurs professionnels étrangers en France et leur intégration dans la société, 1945-1992, Thèse d’Histoire, université de Reims Champagne-Ardennes, 1996.

[6] Matthew Taylor, « Les migrations de footballeurs : une approche historique », Olivier Compagnon et Paul Dietschy, Histoire et sociétés, revue européenne d’histoire sociale, n° 18-19, 2006, p. 24-45.

Stanislas Frenkiel
Stanislas Frenkiel est Maître de Conférences à l’UFR STAPS de l’Université d’Artois et membre de l’Atelier SHERPAS (URePSSS - ULR 7369). Dans un registre associatif, il anime des débats citoyens en milieu carcéral.