Quand le foot booste la scolarité des jeunes
4 min temps de lecture Quand le foot booste la scolarité des jeunes
Comment les clubs et les organisations sportives boostent la scolarité des jeunes en centre de formations ?

Au-delà du talent, du travail acharné et du mental d’acier qu’il faut réunir pour devenir un grand champion, une part de chance et de hasard s’immiscent pour brouiller les cartes de la réussite. Les jeunes qui intègrent les centres de formation ont donc tout intérêt à peaufiner leur plan B pendant leurs années d’études. Cela, les clubs l’ont bien compris. La preuve, depuis quelques années, ils misent gros sur le parcours éducatif de leurs jeunes.

Les surdoués du foot passent le bac

Les Français adorent détester leurs footballeurs – qu’ils soient pro ou en devenir – et leur degré d’éducation est devenu la marotte des internautes adeptes du tacle facile. On se souvient notamment de la vague de réactions à la publication des résultats du bac des jeunes recrues du centre de formation de l’Olympique de Marseille en 2012. Zéro pointé si on en croyait les médias. En vérité, deux bacheliers avaient décroché leur précieux sésame. Pas bien brillant certes, mais absolument pas représentatif de la réalité.

En effet, ces dernières, années, les clubs ont mis le paquet sur l’éducation de leurs jeunes espoirs. Dans leurs centres de formation, le projet scolaire prend une place importante, et les résultats sont là. Le taux de réussite au bac des jeunes sportifs n’est en effet pas éloignée de la moyenne nationale et toutes les sections technologiques, professionnelles et générales sont représentées. Carton plein en 2017 au FC Nantes, au Toulouse Football Club ou à l’AS Monaco, avec 100% de réussite au bac STMG et au bac S.

Accompagnement scolaire sur-mesure

Notre objectif est que chaque joueur soit au maximum de son potentiel. Certains arrivent avec de grosses difficultés scolaires, il faut donc ajuster le projet éducatif à chaque élève

Jean-Michel Jars, responsable scolarité et formation à l’Olympique Lyonnais

Si certains centres proposent même une école intégrée où les jeunes bénéficient d’un accompagnement sur-mesure de qualité, d’autres préfèrent laisser les élèves se mélanger aux autres lycéens, proposant des horaires aménagés et des cours de soutien pour compléter leur formation. C’est le cas de l’Olympique lyonnais. Jean-Michel Jars, responsable scolarité et formation raconte :



C’est compliqué, car quand les jeunes intègrent un centre de formation, ils réalisent un rêve et se concentrent à fond sur le projet sportif, pas toujours facile à concilier avec le projet éducatif. Malgré tout, cette année par exemple, un de nos élèves qui était en grande difficulté scolaire et qui avait été orienté en CAP a réussi à basculer en filière professionnelle.

Le sur-mesure semble donc faire ses preuves. Dans les centres de formation qui proposent une école intégrée, les classes à effectifs réduits et un ratio professeur/élève imbattable créent les conditions optimales à un apprentissage de qualité. Ce n’est donc pas tant que les élèves retrouvent goût en l’école grâce au foot, mais plutôt que les conditions d’apprentissage exceptionnelles dont ils bénéficient ont un impact positif sur leurs résultats. C’est le cas au Stade Rennais où étudiait Yoann Gourcuff. Sur le site de l’académie rouge et noire il témoigne :

Je garde de très bons souvenirs de ma période au Centre de formation. Je pouvais à la fois suivre un cursus scolaire et être très investi dans ma passion et ma progression dans le football. C’était très agréable pour la concentration et l’apprentissage de suivre les cours dans des classes à effectif réduit. Le suivi est beaucoup plus individualisé que dans le cursus classique.

Yoann Gourcuff

En parallèle, si le foot n’est pas directement utilisé comme carotte pour motiver les élèves à étudier, certaines règles strictes imposées par les clubs participent aussi à l’assiduité des élèves.

Notre objectif est que chaque joueur soit au maximum de son potentiel. Certains arrivent avec de grosses difficultés scolaires, il faut donc ajuster le projet éducatif à chaque élève. Avoir des bonnes notes n’est donc pas une condition pour pouvoir jouer, cependant, si un joueur ou une joueuse est collé pendant la semaine, il ne prendra pas part à l’entraînement du week-end.

Jean-Michel Jars

Au-delà du bac

À cet âge-là, il est très compliqué de poursuivre les études. Les jeunes sont aux portes du professionnalisme et l’entraînement est poussé à son maximum.

Jean-Michel Jars

Pour les autres, des formations complémentaires sont mises en place pour les maintenir en éveil du point de vue éducatif et leur donner les outils techniques et culturels qui les accompagneront dans leur future carrière professionnelle : média training, cours de français, d’anglais, de théâtre…


Un sésame pour les États-Unis

Pour certains jeunes, le foot peut même devenir un ticket d’entrée de choix vers les études supérieures, leur ouvrant les portes de grandes universités… et pas n’importe lesquelles. FFFUSAest une agence qui envoie de jeunes joueurs français dans des universités américaines grâce à des bourses d’étude. Aux État-Unis, le sport universitaire occupe une place d’importance. Aussi médiatisé que le sport professionnel, il constitue un enjeu énorme pour les facs qui sont prêtes à payer le prix fort pour décrocher des talents outre-Atlantique. Les jeunes peuvent ainsi décrocher des bourses allant jusqu’à 80 000 dollars.

Cela leur permet de continuer à jouer au foot à haut niveau et de décrocher en plus un super diplôme. Ils jouent dans des infrastructures et des conditions extraordinaires, dignes des meilleurs clubs de Ligue 1, dans des stades pleins à craquer.

Jérôme Meary, co-fondateur de FFFUSA.

Le programme s’adresse aux jeunes qui n’ont pas été sélectionnés pour passer pro en France, mais qui ont un excellent niveau, un bac en poche et un bon niveau d’anglais. En tout, ils sont déjà 700 à avoir bénéficié du programme et ce sont plus de 20 millions de dollars de bourse qui ont été récoltés pour leur permettre de jouer et d’étudier dans les meilleures universités.

En France c’est souvent la grande question : que font les joueurs à la sortie du centre de formation ? Ils vont aller jouer en DH (Division d’Honneur), en CFA (Championnat de France amateur) mais sortiront sans diplômes. Avec ce programme, au-delà du diplôme, il y a aussi davantage de débouchés professionnels. On peut leur proposer des contrats pro aux États-Unis avec la MLS (Major League Soccer, ligue pro américaine), d’autres vont signer en Europe, en France… Mais il y a aussi tout une partie de nos jeunes qui démarrent des carrières très intéressantes comme ce joueur qui a quitté la France avec un BTS ferronnerie et qui est devenu trader à Shanghai.

Il faut dire qu’aux États-Unis, tout est fait pour les sportifs. Si les résultats ne suivent pas, on leur attribue un tuteur. Car pour continuer à jouer, les étudiants doivent nécessairement avoir la moyenne en cours. Résultat, les jeunes se bougent pour avoir de bonnes notes. Et les coachs aussi:

parce qu’ils ne veulent pas qu’un étudiant sur lequel ils ont misé 80 000 dollars ne puisse pas jouer à cause de ses notes. L’emploi du temps et tout l’encadrement est fait pour qu’ils décrochent leur diplôme.

Jérôme Meary

La passion du ballon n’est donc pas forcément incompatible avec celle des belles lettres. Mieux, pour certains c’est surtout l’occasion de bénéficier d’un enseignement de qualité auquel ils n’auraient peut-être pas eu accès autrement.